Du côté de Valkor et Bourdon

(splitté pour éviter les mélanges ; on garde le thread HRP commun)

Cheminant sur le chemin caillouteux, Valkor, Bourdon et Gurn arrivent bientôt chez Olaf. Le fermier est en train de remmancher une bêche.

Le bonjour, maître Bourdon, maître Valkor ! Mon bon à rien de fils serait-il allé vous causer du souci ?

Sans prendre le temps de descendre de selle, Bourdon s'empresse de répondre à son voisin:
Maître Olaf, que ton souffle soit toujours fort! Ton fils est allé se mettre dans les ennuis jusqu'au cou, en volant les biens d'un officier lunaire mort. Nous avons réussi à le cacher aux soldats, mais nous devons à tout prix récupérer le miroir qu'il a offert à ta fille, avant que la patrouille ne s'en mêle! Après nous irons au Talus de l'Alynx, aider Duncan qui recherche le corps. Il nous faut savoir ce qui s'est passé, pour ne pas attirer les foudres de l'envahisseur sur nos demeures et nos familles.
Et, un air moqueur dans le regard, il adresse un clin d'oeil discret au fermier:
Et il nous faudra aussi discuter du remboursement d'un tonneau presque plein où ton fils s'était caché pour échapper à la patrouille. Je pense que le curetage des latrines de l'auberge pendant une semaine constitue une compensation suffisante, peut-être que notre sage à barbe-grise peut nous le confirmer? dit-il en se tournant vers Valkor.

Gurn est soudain pris d'une inspiration.

Par contre, j'ai irrigué les champs hier, ça a débordé et les chemins en étaient encore humides ce matin... Elle a bien dû laisser une trace quelque part !

Gurn s'en va en courant et revient au bout de cinq minutes. C'est bien ça, il y a une marque de pas sur le chemin qui va au sud ! Ce n'est pas un nomade ni un Broo : c'est une marque de sandale ! Mais que va-t-elle faire au sud ?

Olaf paraît déchiré. Je ne peux pas quitter la ferme, il y a encore les deux cadets qui sont trop jeunes pour se défendre, et je ne vais pas encore faire confiance à Gurn. Pouvez-vous aller chercher ma fille ? Toi, Gurn, va prévenir ta mère !

Valkor éperonne sa monture et suit Bourdon.

Après une grosse demi-heure de monte, Valkor et Bourdon voient au loin un petit tertre qui émerge de la brousse. Ce qui le distingue, c'est la petite silhouette brune qui le couronne et l'étrange brume argentée qui l'entoure, alors que Yelm à son sommet a du mal à chasser les quelques nuages qui lui oppose Orlanth.

De près, la silhouette se révèle être une jeune fille de quinze ans vêtue en fermière, qui regarde impassiblement les arrivants en serrant quelque chose.

Bourdon arrête sa monture. Il ferme un instant les yeux, et le vrombissement des abeilles se fait plus présent, tandis qu'elles se rapprochent de la jeune fille immobile.

L'essaim s'élève... et s'arrête brusquement. Bourdon ressent une sorte de détresse, d'énervement, d'incompréhension : Nuée Mordorée a l'impression d'être au bord d'un gouffre, un endroit où rien ne peut plus le porter - ni air, ni lumière, ni même la terre. Il transmet à Bourdon le sentiment "qu'on ne veut pas de lui".

Inga, car c'est bien, elle semble alors s'apercevoir de la présence de gens et ouvre des yeux inexpressifs. Dans ses mains brille un miroir argenté.

Est-ce mon père qui vous envoie ? Si oui, alors dites-lui bien que je n'ai besoin d'aucune aide.

Tes parents sont inquiets pour toi, jeune fille, tu ferais mieux de rentrer à la ferme. Tu comptes rester ainsi toute la journée? dit Bourdon en emplissant sa voix de toute l'autorité d'un père ayant à faire face à l'éducation de deux jeunes filles pas toujours sages.
Et d'où te vient ce joli miroir qui me semble un peu luxueux pour une fille de fermiers?

Valkor reste stoïque, et examine l'environnement attentivement.

Je ne rentrerai pas à la ferme, répond doucement la jeune fille. Je suis appelée ailleurs, et Fragment de Croissant m'a promis de me guider. Je vous en prie, laissez-moi à ma destinée.

Malgré le ton, la voix d'Inga a une force exceptionnelle, bien différente de ce qu'on pourrait attendre d'une simple fille de fernier.

Je ne sais pas ce qu'est ce Fragment de Croissant dont tu nous parles, mais je crois que tu ferais mieux de réfléchir à l'histoire de Veneyia, et ce qu'il lui en a coûté de quitter sa famille...
Bourdon a déjà raconté cette histoire aux enfants du voisinage, celle d'une jeune fille qui s'enfuit avec un aventurier de passage qui lui promettait monts et merveilles. Comment, après avoir dérobé l'argent du foyer, elle se retrouva abandonnée, loin de chez elle, et comment ses parents l'ont accueillie à bras ouverts et lui ont pardonné son erreur.
Allons, dit-il d'un ton paternel, tu ne vas pas abandonner ta famille comme ça, sur un coup de tête!

Heu oui, hein bon, il a raison !
(vu mes tirages, n'est-ce pas, je ne vois pas Valkor très pertinent sur le coup )

Mais je ne pars pas avec le premier venu, et je n'abandonne pas ma famille. Je vais rejoindre quelque chose de plus grand que moi, et quand je reviendrai, j'apporterai de nombreux bienfaits aux miens. Fragment de Croissant va m'initier au culte de la Déesse Rouge. Avec lui, je pourrai apaiser cette terre et la rendre fertile, mettre fin aux ravages des nomades et du Chaos, j'aiderai à ressusciter Genert ! N'est-ce pas ce que vous voudriez ? Toi, marchand, pour avoir davantage de choses à vendre, davantage de foyers heureux à visiter ? Toi, aubergiste, pour vivre dans un monde meilleur avec ta famille, pour que tout ne soit que soirées heureuses comme dans tes histoires ?

La fougue d'Inga est écrasante et Valkor comme Bourdon voient mal comment contenir ce débordement de bonnes intentions. Le miroitement autour d'elle s'amplifie et Nuée Mordorée préfère aller se nicher dans un acacia voisin en bourdonnant nerveusement.

Des esclaves ? Oh, Vinga... J'en ai vu pourtant... crois-tu en ce que tu dis ? Est-il possible que la voie de la Déesse passe par cela ? Oh, je ne sais plus... Fragment de Croissant ne me parle plus...

Inga reste figée sur place, ses larmes ne lui permettent même plus de voir le miroir qu'elle fixe pourtant encore. Nuée Mordorée se calme et revient auprès de Bourdon. Les miroitements qui entouraient la butte semblent s'être éteints.

Bourdon ne peut qu'être admiratif devant les talents d'orateur de Valkor. Il lui jette un regard approbateur, et s'approche doucement de la jeune fille, les bras ouverts en signe de paix.

Inga ne bouge pas, elle pleure doucement sur le miroir... brisé ?... de ses rêves.

Valkor lui parle doucement :
Allez, viens, nous te ramenons chez toi...
Au passage, il lui ôte le miroir des mains, doucement.